La supplémentation en triathlon

L’interview de Sibylle Matter Brügger, médecin de la fédération, et la collaboration avec Burgersten Vitamine portent sur le thème des micronutriments/supplémentations dans le triathlon.

 

Sibylle, à partir de quel niveau sportif est-il essentiel de veiller à un apport suffisant en fournisseurs d’énergie et en micronutriments?

En principe, il est important pour tout le monde de veiller à ce que l’on ait suffisamment de tous les fournisseurs d’énergie (macronutriments) et de micronutriments, mais pas trop. C’est surtout important lorsqu’on pratique un sport de compétition à un niveau élevé. C’est important pour progresser dans la performance sportive.

Quels sont, selon toi, les plus grands défis à relever dans l’alimentation d’un triathlète?

Chez les femmes, il est souvent difficile de consommer efficacement suffisamment d’énergie lors de gros volumes d’entraînement. On constate aussi souvent des carences en fer, car les femmes peuvent perdre beaucoup de fer lors de leurs règles. Un autre défi, surtout chez les jeunes athlètes, est un long parcours d’entraînement. Il est important de réfléchir à l’avance à ce que l’on peut manger avant et après l’entraînement, afin de ne pas devoir attendre longtemps sur le chemin du retour. Une bonne planification est nécessaire à cet égard et cela vaut la peine de s’y intéresser de manière ciblée.

Contrairement au cyclisme et à la course à pied, la natation ne permet de se restaurer que de manière limitée. Qu’est-ce que tu recommandes?

Il faut bien faire la différence entre l’entraînement et la compétition. A l’entraînement, on peut très bien placer une bidon au bord du bassin avec un mélange d’hydrates de carbone qui sont bien tolérés. En compétition, sur la distance olympique, il n’est pas possible de s’alimenter en énergie, mais cela dure généralement une vingtaine de minutes, ce qui est acceptable si l’on considère que l’on peut ensuite se rattraper sur le vélo.
Sur les distances plus longues, c’est un peu plus difficile. Par exemple lors de l’IRONMAN, où l’on peut passer une bonne heure sur la route. Dans ce cas, il faut bien réfléchir à l’avance et se préparer en conséquence. Là aussi, le ravitaillement en énergie ne commence qu’au moment du passage au vélo

La forte augmentation de l’activité physique entraîne chez les sportifs une accélération et une activation de nombreux processus métaboliques. Quels sont les micronutriments qui font souvent défaut dans les sports d’endurance?

Chez les femmes en particulier, le fer, mais aussi parfois le calcium, font souvent défaut, car certaines ne supportent pas le lait ou l’excluent explicitement de leur alimentation. Il faut toujours prêter attention aux régimes spéciaux qui ne reposent pas sur des bases précises. Il est important que les athlètes qui choisissent un régime spécial se penchent sur ce qui pourrait leur manquer en raison de l’absence de certains aliments, et qu’ils s’y attaquent ensuite de manière ciblée.

Dans l’idéal, quand faut-il effectuer un diagnostic des micronutriments ou un check-up médico-sportif?

Les athlètes de niveau cadre ou régional doivent effectuer un bilan sportif annuel afin de pouvoir participer à des compétitions internationales. Lors de ces contrôles, un laboratoire sanguin est parfois effectué. Ce n’est pas obligatoire et plutôt facultatif, surtout pour les athlètes du cadre régional. Mais il est tout à fait logique, lorsqu’on s’entraîne à un niveau de performance, de se faire contrôler une fois par an, avec les principaux nutrimentsvitamine B12 et fer. La vitamine D ne l’est plus, car il est recommandé de la prendre en supplément. Bien sûr, si les performances baissent, il faut aussi vérifier de manière ciblée à quoi cela peut être dû. 

En tant que médecin du sport, à quoi fais-tu attention lorsque tu recommandes des compléments alimentaires?

Je veille à ce que l’accent soit mis sur les cas où la consommation est élevée ou, à l’inverse, sur les cas où l’athlète ne consomme pas assez ou présente une carence en raison de son alimentation. Il est également important d’examiner de plus près les nutriments en cas de troubles spécifiques ou de blessures. Cela est très individuel et varie d’une personne à l’autre.
Souvent, on ne tient pas compte du fait que les nutriments peuvent se faire concurrence lors de leur absorption. Par exemple, si le magnésium ou le calcium est pris en même temps que le fer, cela n’est pas très judicieux. De même, tout le monde ne sait pas que le magnésium doit être pris de préférence le soir, car il peut avoir un effet relaxant sur les muscles.

Y a-t-il des mythes concernant l’alimentation des sportifs et les compléments alimentaires que tu aimerais dissiper?

Il faut dire que les athlètes pensent souvent que l’amélioration des performances passe par une amélioration de l’alimentation ou par la prise de compléments alimentaires. Je suis d’avis que ce n’est pas le cas, des études le montrent également. En principe, une alimentation saine et équilibrée est la clé. La différence peut être obtenue lorsque l’on se nourrit de manière très déséquilibrée et incorrecte, en supprimant certains aliments ou en consommant trop peu d’énergie. Mais si l’on a une alimentation équilibrée et qu’il n’y a pas de carences, les compléments alimentaires n’amélioreront pas les performances.

Dans quelle mesure l’alimentation doit-elle être différente à l’entraînement et en compétition ?

Il est important de tester les produits que l’on consomme en compétition avant de les utiliser à l’entraînement. Certains athlètes sont très sensibles à l’absorption de différents mélanges de glucides et doivent savoir combien ils peuvent en consommer par heure et quelle doit être leur composition. Ensuite, il faut aussi voir si, en compétition, on a besoin d’une plus grande distance temporelle entre la prise de nourriture et la compétition qu’à l’entraînement. Pendant l’entraînement, il est également possible de faire 1 ou 2 entraînements ciblés au cours desquels les réserves d’énergie ne sont pas entièrement remplies. Mais si on le fait trop souvent, cela peut entraîner une baisse des performances. Dans ces moments-là, l’entraînement n’est plus aussi efficace.

À quoi pourrait ressembler une alimentation optimale avant la compétition ou quels sont les aliments qui conviennent particulièrement bien après la compétition?

De préférence quelque chose qui remplit bien les réserves d’énergie. Des glucides faciles à digérer, qui ne remplissent pas l’estomac et ne provoquent pas de ballonnements. En général, des choses dont on sait qu’on les supportera bien en compétition.
Après la compétition, c’est avant la compétition. Si l’on doit participer à une nouvelle compétition peu de temps après, de nombreux athlètes peuvent encore faire des progrès en préparant une bouteille d’un mélange de glucides et de protéines juste après avoir franchi la ligne d’arrivée, afin de recharger leurs réserves le plus rapidement possible. On sait qu’on se régénère ainsi beaucoup plus vite et qu’on est à nouveau prêt. En revanche, si on commence par courir, prendre une douche, etc. et qu’on ne s’alimente qu’après des heures à l’hôtel, on prolonge inutilement le temps de récupération. Cela ne va pas dans le sens d’une bonne performance ou d’une bonne reprise de l’entraînement après.

À quoi les sportifs qui suivent un régime végétarien ou végétalien doivent-ils prêter une attention particulière lorsqu’il s’agit d’un apport suffisant en micronutriments? 

Dans le cas d’une alimentation végétarienne, il faut bien veiller à remplacer ou à prendre en plus du fer, de la vitamine B12 et du zinc, et à les faire contrôler à intervalles réguliers. Dans le cas d’une alimentation végétalienne, il faut avoir beaucoup de connaissances pour être sûr d’avoir suffisamment de tous les nutriments. C’est probablement possible, mais ce n’est pas facile. Il faut couvrir tous les besoins en protéines et, en ce qui concerne les micronutriments, il faut en ajouter d’autres qui se trouvent surtout dans la viande et les produits laitiers, comme le calcium par exemple, qu’il ne faut pas oublier. Il devient alors effectivement très difficile d’en consommer en quantités suffisantes.

Les compléments alimentaires sont en vente libre et constituent un thème important dans le sport de haut niveau. Rencontrez-vous souvent la situation où l’on prend trop de compléments? 

C’est un sujet que j’aborde très souvent. Il faut faire très attention à ce que les produits ne proviennent pas d’une entreprise qui fabrique en même temps d’autres produits qui figurent sur une liste de produits dopants. On peut ainsi se faire beaucoup de mal. Ma devise est donc la suivante: il vaut mieux prendre moins de produits et ne pas croire n’importe quelle publicité qui promet une amélioration des performances. Le risque qu’ils contiennent quelque chose qui figure sur la liste des produits dopants est très probable. Les produits de fabricants suisses auxquels on peut faire confiance sont plus appropriés.
Dans le sport de haut niveau, il arrive moins souvent que l’on prenne trop de suppléments. Cela se produit surtout un cran plus bas chez les personnes qui aimeraient augmenter leurs performances en peu de temps et avec le moins d’efforts possible afin d’atteindre plus rapidement un objectif. Ces méthodes n’ont guère de sens.

Quels sont les micronutriments que les sportifs consomment souvent plus que nécessaire?

Il est important que les athlètes veillent à ne pas prendre en même temps différentes préparations de micronutriments qui s’empêchent peut-être même mutuellement de s’absorber. En principe, on ne regarde pas assez ce dont on a vraiment besoin et ce qui est vraiment utile. 

L’alimentation de régénération joue-t-elle un rôle important ? A ton avis, à quoi ressemble une régénération optimale?

La régénération est très importante, car le prochain entraînement est souvent déjà à la porte. L’effet de l’entraînement est plus efficace si toutes les mesures de régénération, de réparation et d’adaptation peuvent se faire en fournissant suffisamment d’énergie au corps. Un état de sous-alimentation énergétique permanent peut clairement entraîner une baisse des performances à long terme, ce qui ne devrait pas être l’objectif. Il se peut que l’on soit en surpoids – il faut alors s’y attaquer de manière ciblée afin de perdre du poids. Mais en général, dans les sports d’endurance et le triathlon, le poids est rarement un problème. La plupart du temps, le problème est plutôt le manque d’énergie, ce qui peut représenter un risque pour la santé à long terme.

Merci beaucoup Sibylle d’avoir accepté de répondre à cette interview. 

Sibylle Matter Brügger, Chief Medical Officer, Medbase
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